Atlantique !
Bonjour ! Ça y est, nous venons de toucher terre ! Je laisse ici mon journal de bord pour vous résumer la traversée. Bon c'est peut être un peu long et gonflant à lire, mais au moins il y a des images !
Départ vers 10 h de Las Palmas le 20 novembre. D'abord au moteur. C'est presque une fuite, car avec un cas de covid à bord, on n'est pas certain d'être autorisé à quitter le port. Certes on nous a seulement dit de rester confiné à bord du bateau, mais l'année dernière les bateaux dans notre cas devaient rester dix jours au mouillage sous peine d'une amende de 150 000 euros. Nous privilégions donc la méthode de l'autruche consistant à couper la VHF (ce qui n'enlève pas la localisation, et on voit très bien Hakuna se balader sur Marine traffic).
Une première inquiétude survient quand on repère un remorqueur du port qui fait route de collision avec nous : Il s'approche petit à petit pendant une demi heure. Nous sommes à 5 noeuds, et c'est à la fois amusant de se dire qu'on fait une course poursuite à moins de 10 km/h, et en même temps très inquiétant quant à la tournure des évènements : pas du tout envie de se retrouver bloqué aussi longtemps ! Heureusement, il ne fait que nous doubler, ouf !
Le vent monte ensuite, on envoie les voiles. La route de l'Amérique commence, avec une mer étonnament calme ! Sans vagues, on arrive facilement à 8-10 noeuds, même avec le peu de vent qu'il y a. On rattrape d'ailleurs le routage, deux heures d'avance au point du lendemain.
Après un apéro sur du Brassens (j'ai peu de musiques autre que celtiques, et je crois qu'avec mon whistle irlandais en plus Matthieu en a encore les oreilles qui bourdonnent...), un très bon repas et une partie de cartes, on fait tranquillement nos quarts pour cette première nuit. Un vent constant, ni trop fort ni trop faible, une mer d'huile : le temps parfait ! Pendant mon quart, j'ai pu lire comme je voulais, et hormis quelques vérifs, je n'ai eu à toucher ni au réglage des voiles, ni au pilote ! La voile, c'est bien, quand il n'y a rien à faire c'est même mieux x)
Les provisions pour pas avoir trop faim à l'arrivée ! |
21 novembre : position à 21h (TU) : 24°23 N, 16°33 W
le vent est tombé ce matin. Pétole de chez pétole, on avance au moteur. Les hamacs sont sortis, l'ambiance est au bouquinage : quelle dure vie qu'une transat ! Sur l'AIS on repère à une trentaine de milles beaucoup de voiliers : sûrement certains provenant de Ténérife avec une régate qui y était prévue. Beaucoup d'animaux aussi : Un banc d'une centaine de dauphins, un requin (marteau, scie, l'espèce fait débat) qu'on suit pendant un moment, et une tortue dont on s'approche. Jusqu'au dernier moment on l'avait prise pour un vieux détritus, pardon madame !
A bord un concours de desserts s'organise. JB lance les hostilités avec un très bon gateau au chocolat (je vais avoir un challenge à relever). Le soir c'est Matthieu qui prépare de délicieuses bananes flambées au rhum Gingembre citron. Presque certain de ne pas gagner, mais au moins je me régale.
Cette nuit, un magnifique plancton phosphorescent. Des dauphins viennent y plonger et jouer avec les étraves pendant un moment, c'est sublime.
Dure la vie à bord ! |
22 novembre : position du soir (TU) : 22°21N,17°49W
De bon matin on voit des globicéphales, selon JB ! Ca ressemble à de petites baleines, ou de gros dauphins. Alors que j'avais mis les voiles pour mon quart, le vent retombe juste après et on refait beaucoup de moteur aujourd'hui. On ne verra plus beaucoup d'animaux, sûrement à cause des fonds qui redescendent. C'est le genre de chose qu'on ne remarque pas du tout en bateau : on passe de 300 m de fonds à 3000 sans voir le chemin. A terre un tel dénivelé secoue un peu plus !
Encore une journée paisible qui me laisse le temps de potasser la voile en théorie avec la bible des Glénan, et la pratique par petit temps. Je fais aussi un tableau où on peut mettre la vitesse du bateau en fonction de plein de paramètres : réglages de voile, vitesse du vent, état de la mer etc... On pourra expérimenter et mieux s'y retrouver par la suite, je l'espère en tout cas !
Dans un des livres que je lis, une famille part plusieurs années autour du monde à la voile. Depuis les canaries on se suit, j'expérimente en temps réel les lieux où ils sont. Ils arrivent maintenant en Afrique. Les escales sauvages à la remontée d'un fleuve, dans un petit village me laissent rêveur. Le voyage invite au voyage : Toujours plus loin vers l'inconnu.
Ce midi, tartiflette. A bord on mange très bien ! Peut-être trop même par rapport à ce qu'on avait prévu. Je m'inquiète de savoir si les réserves seront suffisantes. Ce serait peut-être bien de régler les voiles d'un côté du bateau pour aller plus vite, et de pêcher de l'autre pour tenir plus longtemps.
Le soir, un magnifique ciel s'ouvre à nous. Certaines étoiles sont si lumineuses qu'on dirait des phares. On surprend à la radio deux cata français assez proches, et on s'incruste dans la conversation, c'est rigolo :)
23 novembre : position du midi (TU) : 21°18N, 18°39 W
Cette nuit, j'ai bien dormi : j'avais du mal à rester éveillé pendant mon quart (2-4 h). Il fait très beau et il y a de plus en plus de vent, le moteur est coupé pour un moment maintenant ! (je l'espère du moins). Avec un temps pareil, l'heure est à sa mesure : En allant de plus en plus vers l'ouest on ne peut pas définitivement rester sur l'heure de Londres, sans quoi le décalage sera grand à l'arrivée. Je suis désigné maitre du temps : Je fais beaucoup de mesures au sextant pour trouver le midi. L'idée est de remettre à l'heure tous les jours ma montre, promue au rang d'horloge de bord. Pour cela, je détermine le retard du soleil sur l'heure de Londre. Bien sûr, vous me direz qu'il suffisait de regarder la latitude, et ensuite tenant compte de la rotation de la Terre (360° en 24 h, soit 15°/h, ou encore 1° toutes les quatres minutes), pour soustraire à l'heure universelle le temps voulu (ici 21x4=1h24). Mais si je n'avais pas voulu me compliquer la vie, j'aurais pris un avion pour la Martinique et cette discussion n'aurait même pas lieu !
Quelques expériences de route aujourd'hui : les voiles en ciseaux, un poulet qui décongèle à l'avant, puis, Matthieu étant d'une humeur joueuse, un poulet à la traîne. Le poulet mariné nouvelle version. Une fois les voiles mises, comme quand on était au moteur il s'agit de s'occuper. Les transats (sièges) sont plus agréables : Vitesse en plus et bruit en moins.
Ce soir, le verdict tombe : Il était midi à 13h23 ! Pour s'amuser, je règle la montre de bord sur l'heure solaire, ne correspondant donc à aucun fuseau. Le soleil s'est donc couché à 17h10 au lieu de 18h33, et tout va très bien. Mais finalement après un repas pris à 18h, puis un scrabble il est 20h30 et habitués que l'on est à être loin du méridien à l'ouest (la France est à la même heure que l'Autriche), c'est un peu tôt pour aller au lit. Et puis entre l'heure de France, celle du fuseau, celle des Canaries et celle du soleil personne ne comprend plus rien. On décide pour contrer cette spécificité de rajouter 1h30 pour commencer les quarts dès maintenant : en somme, on reste sur l'heure de Londres !
24 novembre : Position à 21h30 TU : 19°24'N,22°12W.
Cette nuit, je n'ai pas bien dormi : Pas réussi à m'endormir après mon quart (2-4 h). Dès qu'il y a du soleil, ça tape bien, il fait chaud maintenant. Je tombe le tee-shirt. Sans s'en rendre compte on a passé la tropique du cancer depuis un moment (autour de 23°N
). Je pensais naïvement qu'on le saurait, qu'on verrait une sorte de panneau...
Ce matin, il y a du vent ! Concours de barre au menu : l'objectif est d'aller le plus vite possible sur 10 minutes avec un angle de plus de 120° du vent (pour garder une bonne direction tout de même). JB commence avec une pointe à 12.5. Je poursuis et file jusqu'à 13.8. Arnaud fonce à 14.6. Matthieu fini en essayant la recette du chef. Mais son audace ne paie pas, il ne dépasse pas les 11 noeuds. Il fallait essayer tout de même ! Au final c'est le pilote automatique qui gagne avec une pointe à 17 noeuds : c'est beau la technologie !
Vers midi, mauvaise nouvelle : Le routeur nous apprend au téléphone satellite la mort d'un proche de JB. Entre ça et le covid, il n'a pas de chance le pauvre. Au moins côté santé il va bien.
Dans l'aprem je vais faire une petite sieste. Celle ci se poursuit jusqu'à 19h en fait : j'ai bien récupéré au moins, et je pourrais faire un long quart cette nuit (ça m'étonnerait que je m'endorme rapidement).
La route se poursuit entre 8 et 10 noeuds majoritairement (17 à un moment). La Martinique sera quand je l'aurais atteinte le point le plus éloigné de la maison où je serai allé de ma vie. Je trouve amusant de me dire que j'y serai parvenu à la vitesse d'un footing !
barrer à la télécommande : fastoche ! |
25 novembre : Position à 10h50 (TU) : 18°44N,23°08 W distance à la Martinique : 2185 milles
Le vent est tombé dans la nuit. L'eau est désormais à 26°C : Toutes les conditions sont réunies pour une jolie baignade avant le petit déj. L'eau est très bleue. C'est la première fois que je nage par 2000 m de fond, ça fait bizarre de ne pas du tout voir le fond ! JB voit des méduses. Matthieu l'entend en parler. Moi je les sens, ouille !
On remonte ensuite sans s'être beaucoup éloigné : notre seule chance de mettre plus de 25 mètres de distance entre nous en trois semaines !
On poursuit avec un record de lenteur à 0.3 noeuds qui nous motive à allumer le moteur un moment. On revient à la voile un peu plus tard. A 10h50 on a 111 milles en moins qui nous sépare de la Martinique que 24 h avant : pas glorieux comme moyenne, mais on se rattrape aujourd'hui. En effet, le vent remonte. La météo nous promet que nous sommes entrés sur l'autoroute des alizées : 9 noeuds pépères avec un cap direct sur l'arrivée qu'on devrait tenir jusqu'au bout, plus ou moins !
Je fais le gateau du concours dans l'aprem, et même avec du vent et de la vitesse je lis encore beaucoup : navigation et lecture vont bien ensemble. Le bateau, c'est comme le confinement. On reste tous ensemble à la maison isolé des autres, et on a plein de temps pour s'occuper. La différence est qu'on ne se sent pas du tout enfermé. Et on a beaucoup d'espace en vérité, le bateau est une petite maison ! Mais notre jardin change tout le temps. Aujourd'hui, beaucoup de poissons volants dans le champs autour de nous (et pas un bateau).
Ca arrive souvent que j'aie envie d'être ailleurs quand je suis en cours, chez moi ou autre. En ce moment, je souhaite juste rester à bord : la vie sur le bateau est un petit paradis, j'y suis très bien et je me trouve incroyablement chanceux dès que j'y pense.
Le soir amène une petite partie de poker où on se fait plumer avec JB. Matthieu en sort grand vainqueur.
26 novembre : Position à 10:50 (TU) : 18°04N, 26°12 W. Distance à l'objectif : 2010 nm.
175 milles parcourus en route directe pour la Martinique, c'est une moyenne bien meilleure que ce qu'on a eu jusqu'alors ! Et ça devrait continuer voir s'améliorer encore. L'hydrogénérateur qu'on a enfin réussi à faire marche carbure jusqu'à 5000 watts ! (pour donner une idée, en pédalant à 30 km/h sur du plat on doit fournir une puissance de 200 watts...)
J'ai mal dormi cette nuit, j'avais le nez bouché et mal à la tête. Pour le midi, je m'occupe des lasagnes. J'en ai jamais fait seul donc c'est l'aventure. Elles sont apparemment délicieuses. Malheureusement, pour les premières lasagnes que je fais je n'ai ni odorat ni goût. Je mange juste quelque chose de texture lasagneuse.... Tout porte à croire que j'ai chopé le covid. Je trouve ça amusant de me dire que je l'ai attrapé à l'endroit le moins densément peuplé où j'ai été de ma vie : Aucun navire détecté à l'AIS, on est quatre à une centaine de kms à la ronde !
Rien de grave : je bouquine quand même, joue du pipeau, essaie les différents transats/sièges/hamacs du bateau, mais je ne fais pas long feu le soir, et saute même la partie de poker.
27 novembre : position à 10h50 (TU) : 17°35N,29°30W, distance restante : 1820 nm
190 milles dans la journée, on avance de plus en plus. Le vent est plus fort, on fait régulièrement des pointes à 14/15 noeuds. Pour moi, la route du rhume se poursuit. Matthieu a fait un plat qui semble délicieux, à la vue comme aux cris de régal d'Arnaud et JB. J'en mange juste comme je mangerais une simple pâte nourrissante. Je me sens comme un aveugle emmené au cinéma.
Pour la première fois depuis le début j'ai un bref appel au télephone satellite avec un ami. Ca passe pas bien, mais apparemment il y a du grabuge en Martinique. A voir, surprise !
Sinon la routine est bien installée. Je trouve l'océan plus bleu qu'au début, plus beau. On manoeuvre peu : le vent est régulier, on fait de grand bords. On regarde parfois les poissons volants, on lis beaucoup. Le soir on admire le coucher de soleil, chaque fois un peu plus tard. Et la nuit on fait nos quarts, tranquillement puisqu'il n'y a pas grand chose à faire : aucun bateau croisé depuis 48 h... Une nouvelle configuration est adoptée : le transat au poste de pilotage. Traverser l'atlantique n'est pas aussi difficile sur tous les voiliers !
28 novembre : position à 10h50 (TU) : 1627 nm, distance restante : 17°47N,32°53W (ou l'inverse)
193 milles dans les dernières 24h ! La journée débute fort avec une vitesse de plus de dix noeuds vers l'objectif ! Dans la matinée on repère un voilier à l'AIS qui va comme nous vers les Antilles, pour ensuite faire le tour du monde nous dit-il à la VHF (la radio branchée du coin). L'objectif change et une chasse se prépare, notre instinct de pirate prend le dessus : Matthieu check la météo, je prends les commandes de la manoeuvre, JB barre au mieux et Arnaud supervise le tout de son transat de pilotage.
On gagne du terrain, on s'approche ! On perd ensuite beaucoup de vitesse par rapport au cap : la route la plus courte étant par vent arrière, on doit tirer des bords (avec notre gréement le vent arrière est compliqué à tenir). En s'approchant, on capte mieux à la radio, c'est le moment de lancer le cri de guerre, et... On discute simplement pêche. Arnaud et lui échangent des conseils (les seuls poissons récupérés sont des poissons volant qui se sont suicidés sur les trampolines).
L'océan est toujours superbe : De grandes vagues régulières à perte de vue, comme dans un tableau. En embarquant je pensais que la traversée se faisait forcément dans de rudes conditions. Je n'ai pas encore vu plus de vent qu'en Bretagne en février.
Dans l'aprem, cérémonie solennelle de changement de pavillon : On remet le pavillon français, le dernier ressemblant plus à un pavillon alpha (voire au drapeau européen sans les étoiles...), le tout bien accompagné au pipeau !
29 novembre : position à 10h50 (TU) : 16°27 N, 36°00 W, distance à l'objectif : 1444 nm
Dix jours depuis le départ, c'est fait ! Les dernières 24h n'étaient pas faciles, le bonhomme de la vidéo en parle (je crois). Pour compenser la moyenne de 183 milles en 24h, on change d'heure, ce qui nous remonte à 190 !
Le vent a forcit cette nuit, tout le monde a assez mal dormi. Pas trop de lecture non plus pendant nos quarts, on restait concentré sur les éléments. Dans la journée la mer était grosse (4-5 mètres de creux), avec un vent toujours entre 24 et 29 noeuds. On s'est fait des surfs endiablés avec les étraves plongeant malgré leur grande hauteur : ça nous a motivé à ramener beaucoup de voilure : on se ramène aux conditions plus péchues que j'imaginais !
Pour cette nuit, deux ris dans la GV et sans voile d'avant : c'est plus que nécessaire, mais ça pourra permettre à tout le monde de dormir plus sereinement.
Scène de vie quotidienne à bord : Quand ça bouge, pour remonter des toilettes la manière que j'aie la plus efficace est de caler ma tête contre le mur. Ridicule, mais j'y suis seul sans témoin (à part vous...?) et c'est plus prudent qu'un équilibre qui finit certainement mal ! J'imagine que chacun a sa technique bien a lui : comme les coins à champignon, on garde ça pour soi normalement...
30 novembre : 16°14 N, 38°47 W, distance restante : 1284 nm
Les nuits en mer sont d'une beauté indescriptible : je l'ai probablement dit 154646464 fois, mais tant pis ! A 1500 km de la côte la plus proche, la pollution lumineuse n'est pas un problème, et les étoiles luisent d'un superbe éclat. Le plancton phosphorescent reste aussi magique.
Je finis tranquillement mon quart matinal en méditant à cela devant le coucher de soleil. Petit à petit les autres émergent. La drisse de gennaker est abîmée en haut, il va falloir monter au mat. Matthieu et Arnaud me hissent là-haut pour le bricolage : Par 23 mètres de haut c'est la première fois que je suis à plus de 20 mètres du groupe ! Mais avec des creux de 3-4 mètres et un vent à 20-25 noeuds je faisais pas trop le malin ! D'autant que j'ai dû y remonter juste après. Je redescends rincé, avec les bras en compote (bien sûr j'étais tenu et hissé, mais il ne fallait surtout pas que je sois éjecté du mat à tourner autour). On envoie ensuite le gennaker, mais l'état de la mer nous inquiète. Un bref appel à un expert du bateau nous rassure grandement, et on fonce ! La première heure se fait à une moyenne de 12.5 noeuds, puis on continue les surfs tout le long de la journée.
Matthieu s'entraine à ne pas regarder pour s'habituer à la nuit : les sensations sont très différentes quand on file à 15 noeuds dans le noir total...
1er décembre : 16°39 N, 42°21 W, distance restante : 1080 nm
204 milles au compteur de la journée d'hier ! Bientôt le cap des 1000 milles de passés, on est maintenant plus proches des côtes brésiliennes que du cap vert, on compte les jours qu'il nous reste plutôt que ceux passés : Plusieurs indices qui montrent que le voyage prend un tournant...
Mal dormi cette nuit : beaucoup de grains, et il fait très chaud sans que je puisse aérer à cause de la mer. C'est amusant de vivre l'hiver à l'inverse : chaque jour avec quelques degrés en plus depuis octobre !
Ce matin, plusieurs mauvaises nouvelles :
déjà la gennaker est mal enroulé, il ne se déplie plus. On l'affale dans un coffre en attendant mieux. Le dessalinisateur ne marche plus. On avait fait des réserves d'eau au cas où, on se prépare donc à se rationner. Et fini le luxe : plus de lave vaisselle ou machine à laver, on fera à la main et à l'eau de mer si nécessaire. Enfin, la bosse du premier ris (un cordage) est abimée. En la racourcissant elle reste trop courte pour qu'on puisse l'attacher.
La croisière aussi semble prendre un tournant plus aventure....
2 décembre : 16° 30 N, 45°27 W, il reste 902 nm
L'heure était aux réparations de toutes sortes aujourd'hui, et principalement des fuites : Matthieu et JB s'en occupent, puis JB et moi. On a assez bien récupéré des nuits d'avant, mais on reste fatigué, on le sent dans la journée. Je retrouve peu à peu le goût et l'odorat, dommage qu'il n'y ait plus grand chose à manger !
Le soir, comme on doit se limiter en eau douce, au lieu de fuir les grains on essaie de se les prendre, fidèles à notre devise : "un grain vaut mieux que deux tu l'auras"
3 décembre : 15°58 N,48°28 W, encore 725 milles
La mer est plus calme aujourd'hui : on dort encore mieux, l'ambiance est plus reposée. Matthieu et JB en profitent pour travailler dans les cales pour essayer de boucher les fuites : sur un bateau, il y a toujours de l'eau par endroits... Arnaud prépare e déjeuner (de plus en plus difficile de faire de bonnes recettes, on racle les fonds de placard et les légumes se font rares), et je m'occupe de faire le pain : c'était un essai, le nom qui lui conviendrait le mieux est le par-pain... Mais il se mange !
4 décembre : 16°34 N, 51°52 W, plus que 536 milles
Victoire du jour : on a bien replié et envoyé le genaker qui était bloqué depuis quelques jours. Problèmes du jour : les bouts souffrent. La balancine a laché ce matin, et la drisse de GV fait la tronche maintenant. Ca va être plus dur de monter dans le mat sans ça !
Dehors, on voit les premières algues arriver.
5 décembre : 15°30 N, 54°33 W, Martinique dans 372 milles
Encore une journée à peu près pareille que celle d'hier, et probablement pas si différente de celle de demain : lecture, écoute de podcasts, réglages de voiles, petites énigmes et jeux au programme. A ceci près qu'une nouvelle drisse vient de casser : on n'a plus que GV et solent ce qui limite beaucoup les réglages. Et deezer ne fonctionne plus après un certain moment sans connexion, donc plus d'émission radio jusqu'à l'arrivée...
Pendant la soirée on se prend quelques verres de rhum pour s'habituer. Je découvre alors que les effets de roulis et d'alcool ne se soustrayent pas mais s'additionnent ! Au lieu de tanguer en deux dimensions, il y en a une troisième qui s'ajoute.
6 décembre : 193 milles restants, 15°11 N, 57°46 W
Malgré l'absence de gennaker et de code zéro dûe à la drisse cassée, en se mettant pile vent arrière on fait quand même une distance de 179 milles sur objectif ! Ca dévalorise un peu tout le travail de voiles qu'on faisait, où on s'excitait à changer de voiles pour une moyenne journalière pas meilleure. En fait on aurait aussi bien pu prendre un gros truc flottant et s laisser porter par le vent !
Aujourd'hui, on sent vraiment l'arrivée proche : toujours pas de bateau à l'horizon, mais on passe sous les 100 milles. Arnaud, préposé au compteur de milles, regarde toutes les dix minutes environ pour voir chaque mille avalé par le gps. On sent une certaine excitation en approchant. Pour retrouver la terre ferme, la civilisation, les douches et l'eau douce qu'on a perdue en route ! Il y a aussi déjà une nostalgie qui s'annonce : on passe plus de temps qu'au milieu de la traversée à apprécier les étoiles, la mer, le bateau.
J'ai quand même hâte d'arriver ! Tant qu'on est en mer, j'ai du mal à croire qu'on arrive en Martinique, c'est juste un petit bout de terre sur la carte pour l'instant. Et ce sera l'endroit le plus éloigné où je serai allé depuis la métropole !
7 décembre : plus grand chose, position : Arrivée au Marin !
Au lever du soleil tout le monde guette la côte. Les paris sont ouverts pour savoir quand on verra la terre au bout de l'étrave. L'attente est pleine d'excitation ! On l'aperçoit à 20 milles de distance, youpiiii ! Ca y est, on a traversé ! On revoit des gens : Ca faisait trois semaines qu'on n'avait parlé à personne de nouveau. Et on retrouve déjà du monde connu : la soeur du responsable du chantier d'Hakuna, partie faire le tour du monde à la voile, et des voisins de ponton de l'ARC arrivés il y a déjà deux jours. Je vous laisse pour un moment pour profiter d'une nuit sans quart !
Salut Rapha ! J'ai hâte de pouvoir lire la suite, mais pour l'instant le blog ne s'affiche pas au delà des quelques premières lignes (ni sur l'ordi, ni sur le téléphone...)
RépondreSupprimerMerci ! Effectivement il y a quelques bugs... Normalement c'est bon, même si certaines photos ne vont pas tout à fait au bon endroit...
SupprimerPour nous c’est pareil depuis ce matin. Bisous
RépondreSupprimerEnfin cette relation d’un voyage mémorable. Merci de nous l’avoir fait partager. C’est pour nous aussi un grand moment. Que de belles choses tu as vues et que de péripéties tu as vécues sans oublier ton humour inimitable et tes calculs mathématiques cher Villani de la mer.
SupprimerTu as emmagasiné des souvenirs pour toute une vie et une belle relation d’amitié comparable à la solidarité des gens de mer.
Nous sommes très fiers de toi.
Bon séjour en Martinique, bonnes réparations et à bientôt pour la suite de tes aventures.
Mille gros bisous de nous deux.
Claire et Papou.
Oh que oui, chaque instant est formidable ! Ça me fait des souvenirs, mais je ne vivrai pas que de ça :
SupprimerC'est pas impossible que je reparte plus tard aussi...
Oh yesssssssss
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